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une vélorution énergétique

Je n'arrive pas à me défaire de ce vieux réflexe. Il reste accroché, comme pour m'empêcher d'avancer, il m'attache au passé. J'entre dans la cuisine et claque mes doigts contre l'interrupteur pour briser la pénombre. Le plafonnier reste muet. Machinalement, je caresse puis frappe à quelques reprises la bascule en plastique blanc. Rien ne se passe. Je répète cette scène creuse tous les matins et plusieurs fois par jour depuis bientôt six semaines.

L'action même de venir dans la cuisine est devenue vide de sens, endormie qu'elle est dans le silence sombre de ses volets, arrêtés en pleine course, paupières mi-closes. Au fil des jours, j'ai de plus en plus l'impression d'entrer dans un musée, un sanctuaire du mauvais goût, un mausolée de la bêtise. Tous ces appareils, longtemps utilisés, m'ont maintenant l'air immondes. Ils ressemblent à des cadavres synthétiques, figés, arrêtés, morts sans pouvoir disparaître. L'image d'un vieux monde qui ne veut pas s'éteindre. Pourtant, les prises se sont tues, taries, muettes, étranglées, plus rien ne semble pouvoir en sortir bien qu'elles n'aient pas changé.

Comme tous les matins, ma vieille batterie n'a rien à offrir à ces machines avides, elle ne passe jamais la nuit. Il va falloir y retourner, assurer un peu d'énergie, au moins pour le copieur dans l'atelier.

Un virus a frappé la terre entière au début des années vingt, il a profité de l'agitation humaine pour s'étendre, révélant, en quelques semaines, la frénésie de l'époque. Il a laissé des blessures profondes comme il a invité à ralentir. Dans ce ralentissement, dans cet espace créé, certains ont retrouvé la relation à la terre nourricière, au laborieux jardin potager. Au début c'était un jeu, une curiosité ou un moyen d'occuper notre temps voire celui des enfants. Mais pour beaucoup, la culture du sol a donné du goût. Des mains-vertes se sont révélées puis élevées. Les saisons ont retrouvé leur sens, le soleil sa souveraineté, la pluie sa générosité. Et heureusement. Ces quelques rangs où s'exprime la vie sont maintenant nos seules sources d'énergie, le réseau n'est plus.

Mes premiers pas à l'extérieur m'habillent d'une solide humeur. La poésie végétale offre un décor incroyable aux ballets de comédiens à six pattes, au sol ou aériens. De fragiles feuilles offrent leur douceur aux rayons du soleil quand leurs ainées s'endurcissent, au-dessus, en prenant couleur. Les fleurs discrètes et légères balancent au vent, divines, passives. C'est pour mieux attraper, d'un coup de tête, les bourdons en plein vol.

Cette nature me réjouit et alimente autant mon corps que mon esprit.

Pour ce qui est de l'électricité, ou plutôt de son absence, personne ne sait vraiment ce qu'il s'est passé, du moins ici. Il n'y a plus de nouvelles ou plus d'énergie pour nous les faire parvenir. Les informations et avis en tout genre fusèrent les premiers jours : la guerre, une éruption en Italie, un raz de marée dans le sud, le dérapage d'activistes écologistes ou un coup de maître des oligarques du fossile... autant d'histoires que de conteurs. Ce qui est sûr c'est que l'énergie ne vient plus à nous. Le retour à la normale nous semble si illusoire que certains s'enchantent à transformer le maillage de lignes à haute tension en réseau de tyroliennes monumentales...

Quand le jus s’est arrêté, sans prévenir ni privilégier, s’en est suivi une courte pause, une respiration, un calme au cœur de la tempête. Puis, ne l’imaginant pas revenir, beaucoup se sont alarmés, déplacés, barricadés, protégés. Mais l’ouragan est loin derrière nous maintenant. Le monde s’est apaisé. L’entraide et la bienveillance sont devenues maîtresses, du moins ici et d’où viennent les nouvelles, avec les voyageurs...

La flânerie botanique m'amène au pied de l'atelier, dont je fais chanter la lourde porte. Au milieu, au cœur de ce fatras de câbles, de rouille et d'accessoires éventrés, attend ma bicyclette, petite reine, victime d'une curieuse chirurgie. Hybridée avec un vieux moteur, elle me permet de produire de l'électricité en pédalant. Je m'installe sur son triangle de cuir et dès les premiers tours, elle génère assez d'énergie pour les enceintes et diffuser la musique. A l'écoute de mes rythmes favoris, une douce impression de confort m'envahit.

C'est avec le sourire que j'aborde les vingt minutes de vélo pour alimenter le copieur et multiplier les plans dont je me suis inspiré. Ils permettront à d'autres d'en faire autant, de produire leur machine, de renouer avec l'électricité et le luxe qu'elle procure. Mais les quelques mouvements de jambes pour m'offrir un album complet n'ont que peu d'égaux, j'ai aussi sué près d'une heure pour me faire une tasse de thé...

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Découvrir le jeu

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Si nous devions vraiment pédaler pour produire notre énergie, combien de temps faudrait-il y passer ?

 

revolt - le jeu

De l'ampoule led à la voiture électrique et à travers une cinquantaine d'autres cartes représentant autant d'appareils que d'usages de l'énergie, vous êtes invités à matérialiser votre quotidien énergétique pour découvrir vos consommations de tous les jours. Ainsi il vous sera possible de comprendre où sont vos dépenses et comment les réduire si le cœur vous en dit !

En parallèle d'une édition future, le jeu est et restera en accès libre à réaliser par soi-même. Vous trouverez ci-dessous les documents à télécharger : les règles du jeu et les cartes associées. Seules les cartes sont à imprimer.

Sentez-vous libre de partager, d’adapter et d’utiliser le jeu lors d'ateliers en précisant crédits et licence : REVOLT par Clément Chabot, disponible sur la-revolt.org, un jeu sous licence CC BY-NC-SA.

jeu de cartes

Comment réaliser le jeu de cartes REVOLT ?

Pour jouer, il vous faut imprimer le fichier « les cartes » puis découper les cartes. Pour cela, vous avez deux options :

- Si vous avez du papier d’impression classique (80g/m²), une impression en recto/verso sera transparente et nuira à la qualité de jeu. Ce n’est pas grave ! Il vous faudra alors imprimer normalement puis coller les feuilles dos à dos, en s’assurant des bonnes combinaisons OBJET/CONSO. Découpez ensuite les cartes.

- Si vous avez du papier suffisamment épais (>120g/m²) et que votre imprimante l’accepte, vous pouvez imprimer en recto-verso puis découper les cartes.

Vous pouvez également imprimer sur des feuilles de couleur pour égayer le jeu.

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A l'origine

Parmi les grands enjeux qui nous sont adressés au XXIe siècle, celui de la transition énergétique est centrale car il concentre à lui seul une grande partie des problématiques environnementales et sociales. Notre consommation d'énergie est le moteur du changement climatique, comme si, de trop manger, nous tomberions profondément malade. A l'inverse, pour de nombreuses personnes, le coût de l'énergie est trop élevé, les consignant à une vie précaire, allant jusqu'à les priver de chauffage l'hiver ou de pouvoir se déplacer.

 

La part d'incroyable de l'énergie, c'est qu'elle est partout, omniprésente dans nos quotidiens, elle est le cœur de tous nos secteurs d'activités, de l'agriculture à l'industrie en passant par l'habitat, la mobilité, ou le numérique ...

Nous l'entendons tous les jours, nous devons aller vers des modes de production énergétique plus vertueux, locaux et renouvelables.

Mais nous devons surtout, et avant toutes choses, réduire notre consommation d'énergie. C'est le prélude d'un monde nouveau, sans quoi rien d'autre ne sera possible, pas même nos rêveries de rescousse technologique.

 

Mais alors, comment consommer moins quand on ne sait pas ce que l'on consomme ?

Comment sortir l'énergie de son apanage de spécialistes, à la fois immatérielle, abstraite et peu attrayante ?

A travers un univers pedalpunk, entre la fiction et la réalité de tous les jours, Revolt propose de redécouvrir l'énergie. Exit les unités scientifiques complexes, vous prenez place sur une bicyclette, un vélo-générateur, au cœur d'un réseau de microcentrales électriques. Votre consommation n'aura pour limites que celles de vos capacités physiques.

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